Le ruisseau Saint-Antoine prenait parfois des allures d’un immense torrent lors des crues printanières. Revivez des moments cruciaux d’une des inondations les plus importantes de ce ruisseau qui a suscité de nombreuses craintes et beaucoup d’émotion le 1er avril 1913. La chroniqueuse SNJM de l’époque raconte…
Nous sommes victimes de l’inondation, événement qui ne s’était pas renouvelé depuis plusieurs années. À deux heures et demie, ce matin, sœur Marie Emmanuel entend, la première, le clapotement, dans notre parterre. « Nous y voilà », dit-elle en donnant l’alarme à Sœur supérieure. En un instant, toutes les sœurs sont rendues aux fenêtres ; l’eau monte à vue d’œil ; ce n’est pas le poisson d’avril, c’est réellement l’inondation! Le ruisseau Saint-Antoine déborde ; l’eau entre par les soupiraux ; les caves sont déjà remplies d’eau.
Les cris entendus du dehors dans les profondeurs de la nuit sont de nature à nous émouvoir davantage. Une de nos voisines, madame Garceau, ancienne élève de notre pensionnat, arrive en chaloupe, avec deux enfants dans ses bras ; l’eau étant montée considérablement chez elle, elle vient se réfugier ici. Deux enfants restent dans la maison, au premier étage ; la pauvre mère inquiète les croit en danger et laisse entendre des pleurs déchirants. Ce n’est qu’au bout d’une heure que les enfants — une petite fille de quatre ans et un petit garçon de deux ans — sont ramenés à la mère désolée. Quelle joie de part et d’autre de se retrouver après de telles angoisses!
La famille Lasnier obligée, elle aussi, de quitter sa demeure, trouve hospitalité dans notre couvent. Quatre heures ; l’eau monte du côté du pensionnat, maintenant : c’est de plus en plus inquiétant. Les fournaises sont éteintes : il fait froid et humide dans notre maison. Cinq heures ; nous nous rendons à la chapelle et disons la prière avec une ferveur facile à deviner. M. l’abbé Laporte, notre chapelain, vient en chaloupe jusqu’ici : nous sommes heureuses d’avoir la sainte messe. Sept heures ; nous déjeunons ; les réfectoires sont inondés; le petit cours et la salle de musique sont les lieux du goûter : l’appétit manque ; tout est froid et humide.
Durant deux jours, l’eau semble stationnaire ; les glaces amoncelées de-ci de-là, quelques bâtisses emportées par le courant, les vagues rasant les maisons offrent un spectacle sinistre. Les gens se promènent en chaloupe, transportent les provisions, prennent des photographies.