« Est-il bon que les femmes soient instruites? »

La deuxième moitié du 19^e siècle voit naître au Québec une dizaine de congrégations religieuses enseignantes en plus des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM). Ces nombreuses fondations sont une réponse entre autres aux démarches de Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal, qui cherche des solutions pour améliorer le sort des Canadiens-français. En outre, quelques congrégations consacrées à des œuvres charitables ouvrent des écoles tout comme certaines congrégations venues d’Europe.

Au Québec, les congrégations religieuses assurent l’ensemble de l’instruction des filles, tant dans les pensionnats que dans les écoles publiques. Elles forment également des enseignantes. Leur travail assidu permet du même coup aux commissions scolaires naissantes de se libérer de la responsabilité de développer l’enseignement pour les filles.

Les mentalités de l’époque en Amérique du Nord font comprendre que l’inégalité des filles face à l’instruction n’est pas considérée comme problématique, du moins jusqu’au 20^e siècle. L’industrialisation et les guerres mondiales vont notamment imposer de profondes modifications du marché du travail, sans compter l’avènement d’une société de consommation.

Avant la fin du 19^e siècle, la directrice des études des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM), Sr Véronique-du-Crucifix (Hedwidge Davignon) rappelle :

« Grande question que celle-ci : Est-il bon que les femmes soient instruites, ou n’est-il pas préférable qu’elles ne possèdent que des connaissances dont elles ne peuvent se passer dans leur humble et modeste rôle de ménagère?

« Nous ne craignons pas de dire que cette question est injurieuse pour les femmes, et voici ce que nous répondons : Une jeune fille doit recevoir une instruction sérieuse, solide, étendue, complète, […]. On ne doit rien négliger pour orner son esprit et développer son intelligence. […] Une solide et complète instruction est indispensable au développement des femmes, à leur coopération dans la famille et dans la société. […] Nous dirons donc aux jeunes filles : étudiez, cultivez sans cesse votre intelligence ».

Un message précurseur à ceux lancés par plusieurs personnalités féminines au cours du 20^e siècle et dont la pertinence est toujours aussi grande au 21^e siècle. Ce cri du cœur réaffirme également la pertinence de la vision de la bienheureuse Marie-Rose Durocher.